Un bras de fer est engagé, depuis le 23 décembre 2018, entre la commission de l’Union Africaine et le Burundi sur la décision de réduire de 1000 militaires le contingent burundais en Somalie. L’armée burundaise conteste la mesure de la commission de l’Union africaine, qui dans ses yeux, viole l’accord du 30 novembre 2018 signé en Éthiopie.
Par Joël Nsabiye
Dans la correspondance du 19 décembre 2018, la commission de l’UA, département Paix et Sécurité, demande au Bureau d’appui des Nations Unies en Somalie en collaboration avec les troupes de maintien de la paix en Somalie – AMISOM – de faciliter la réduction de 1000 militaires les effectifs du contingent burundais prenant effet le 28 févier 2019.
Deuxième pays pourvoyeur avec 5.400 militaires, le Burundi est derrière l’Ouganda qui totalise 6.200 casques bleus en Somalie sur l’effectif total de 21.500 soldats de l’Amisom. La réduction de l’effectif du contingent burundais va impérativement entraîner un manque à gagner pour les finances publiques de ce pays, déjà à genou, suite aux sanctions de l’UE et de ses pays membres. Jusque-là l’UE envoie tous les trois mois 15,7 millions d’euros à la banque de la république du Burundi (BRB) pour payer les soldes et la location du matériel militaire burundais en Somalie.
L’armée burundaise s’inscrit en faux contre cette mesure. « La décision de la commission de l’UA est en déphasage avec le document stratégique validé le 30 Novembre 2018 en Éthiopie par le comité de coordination des opérations militaires en Somalie » a déclaré le porte-parole des Forces de Défense Nationales Burundaises (FDNB).
Dans un communiqué de presse du 23 décembre 2019, Floribert Biyereke explique que dans le document précité, il a été précisé que le contingent burundais allait être réduit de 341 militaires au 28 février 2019. « Les 1000 militaires à réduire devraient provenir de tous les contingents des pays contributeurs en Somalie », a-t-il rappelé.
La commission de l’UA et le Burundi divergent sur le contenu du document validé à la fin du mois de novembre en Éthiopie lors de la 27ème rencontre du comité des opérations militaires en Somalie. La commission de l’UA affirmant, dans sa correspondance du 19 décembre, que les 1000 militaires doivent être réduits du contingent burundais.
La FDNB s’en remet aux autorités burundaises. Lors de la sortie médiatique du 23 décembre 2019, le porte-parole de cette institution demande aux autorités burundaises de plaider auprès des instances habilitées pour que la décision de la commission de l’UA soit reconsidérée.
La guerre des chiffres en rapport avec l’effectif des militaires burundais à réduire sur le contingent burundais en Somalie et un nouveau rebondissement des relations déjà tendues entre le Burundi et l’Union Africaine. Les deux ne s’entendaient pas déjà sur les mandats d’arrêts internationaux délivrés contre les présumés auteurs du putsch de 21 octobre 1993 perpétré contre le président Melchior Ndadaye. Dans le communiqué du 2 décembre 2018, Mussa Faki, Président de l’Union Africaine indique que lesdits mandats d’arrêts étaient de nature à torpiller le processus de paix déjà mis en mal par le refus du gouvernement burundais de négocier avec ceux qu’il appelle « putschistes ». Cette position lui a valu un tollé de critiques et de dénonciations de la part des institutions burundaises.
Une décision qui réconforte des acteurs de la société civile
La mesure de réduire considérablement les effectifs du contingent burundais en Somalie est salué par certains activistes de la société civile, qui, depuis 2015 avaient lancé la campagne « Bring back our soldiers ».
Au lendemain du coup d’État manqué du 13 mai 2015, des activistes de la société civile qui se sont exilés ont milité pour le retour des militaires déployés à l’étranger dans le cadre des opérations de maintien de la paix. Dans une interview accordée au journal CITIZEN le 22 janvier 2016, Vital Nshimirimana, alors président de l’organisation locale FORSC, indiquait que les militaires burundais en mission de maintien de la paix à l’étranger devraient rentrer pour défendre leur peuple.
Les rentrées de l’Amisom constituaient l’une des principales sources de devises du pays, sous sanctions depuis 2016.