Un homme politique et un activiste des droits de l’Homme donnent leur point de vue sur le rapport des experts de l’ONU transmis au Conseil de sécurité de l’ONU le 18 décembre dernier.
Par Gilbert Niyonkuru
Ce rapport épingle le gouvernement du Burundi pour le rôle qu’il aurait joué dans la déstabilisation des pays limitrophes. Selon ce document, le Burundi aurait prêté main forte au groupe armé rwandais basé à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC).
Le Burundi est accusé de recruter et d’appuyer logistiquement les forces déstabilisatrices en RDC, dirigées par Kayumba Nyamwasa, un ex-général rwandais opposé au régime de Kigali.
Les experts des Nations Unies qui ont rédigé ce rapport disent avoir recueilli des témoignages auprès de douze ex-combattants du mouvement dénommé P5 ou ‘’congrès national du Rwanda’’ ou encore ‘’Groupe de Kayumba Nyamwasa’’.
Le rapport précise qu’un certain Rashid paie les frais de transport des recrues qui transitent par Bujumbura avant de rejoindre le quartier général du mouvement se trouvant dans la forêt de Bijombo, au Sud-Kivu en RDC. Les témoignages des douze anciens combattants confirment que les hommes armés quittent le Burundi par le lac Tanganyika ou la rivière Rusizi vers la RD Congo.
Les mêmes témoins ont affirmé que l’appui logistique du mouvement provient du Burundi. Le rapport démontre que presque chaque mois, des médicaments, de la nourriture et des armes, jusqu’aux munitions, des bottes et des uniformes leur sont donnés en provenance du Burundi.
Ces témoins, à majorité de nationalité burundaise, rwandaise et ougandaise, ont révélé que le dernier approvisionnement en armes date de septembre 2018, en provenance du Burundi. D’autres armes leur avaient été données en février et en avril de la même année, toujours en provenance du Burundi, et ont été transportées dans des pirogues via le lac Tanganyika.
Ce rapport s’accorde avec les observations de plusieurs organisations locales de défense des droits de l’Homme et des médias qui ont constaté l’implication du régime burundais dans l’organisation et le renforcement des forces négatives dont l’objectif ultime est de déstabiliser le Rwanda.
Réagissant sur le contenu de ce rapport, un activiste de la société civile, Vital Nshimirimana du FORSC, et un homme politique, Onésime Nduwimana, ancien porte-parole du parti CNDD-FDD (parti au pouvoir), aujourd’hui porte-parole de la plateforme de l’opposition CNARED, se disent scandalisés par la complicité de Bujumbura dans le recrutement et armement des groupes armés.
Bien avant le début de la crise provoquée par le troisième mandat de Pierre Nkurunziza, les miliciens Imbonerakure financés et coordonnés par le régime auraient été entraînés en RD Congo. Les Nations Unies ont même exigé le retrait ou le démantèlement des forces déstabilisatrices en RDC.
« Au lieu de retirer et démanteler les groupes armés en RD Congo, le régime burundais aurait offert aux Forces démocratiques de libération du Rwanda – FDLR une base arrière et soutiens multiformes. En réalité, le régime burundais ne se cache même plus, il joue ce rôle au grand jour. A mon avis, je pense que ce rapport ne va pas inquiéter le pouvoir de Bujumbura» déclare Vital Nshimirimana, délégué général du Forum pour le Renforcement de la Société Civile – FORSC.
Pour Onésime Nduwimana, Nkurunziza et sa clique ne pouvant pas justifier la « crise politique irréfléchie qu’ils ont provoqué au Burundi, essayent à tout prix de s’attirer la sympathie des forces négatives de la sous-région, pour provoquer une crise régionale. »
Il étaye sa réflexion: « Se trouver des alliés pour déclencher une guerre régionale relèguerait les vraies causes de la crise burundo-burundaise au second rang et aux oubliettes. Le raccourci est de raviver la crise et pointer dans les plaies non encore cicatrisées évoquant les ethnies et l’impunité pour réveiller les vieux démons de tous ceux qui rêvent de vengeance. »
Cet ancien porte-parole du CNDD-FDD (parti au pouvoir) fait savoir que le régime de Nkurunziza gagne du temps en faisant recours à plusieurs stratégies pour se maintenir au pouvoir: « Il s’appuie sur des soi-disant experts qui s’occupent de diversions pour détourner l’attention des Burundais des vrais problèmes liés à la mauvaise gouvernance, le non-respect des compromis et des lois en vigueur. Cela a entraîné la contestation, la répression violente et haineuse allant jusqu’aux crimes contre l’humanité ».
Et si la crise burundaise devenait régionale…
« Le Burundi est dirigé par une clique capable de provoquer l’apocalypse. Nkurunziza a fréquemment recouru à la stratégie de chantage à l’encontre des Etats partenaires et organisations internationales, et sa stratégie semble produire des résultats », affirme Vital Nshimirimana.
Il donne son point de vue: « Peu habituée à ce genre de diplomatie anti-conventionnelle et accusatrice, la majorité au sein de la communauté internationale choisit la prudence et la sagesse dans l’espoir que le régime va changer de comportement. Et au lieu de se raviser, les ténors du régime créent d’autres scandales, des fois plus grossières que les précédents. Et à ce rythme, le régime burundais crée de la diversion pour tenter d’échapper à ses propres problèmes. »
Une idée qu’il partage avec Onésime Nduwimana. Celui-ci rappelle que Nkurunziza essaie de détourner l’attention des crimes en cours au Burundi et de se rendre sympathique aux yeux de ses flatteurs, qui seraient tentés de croire que Pierre Nkurunziza est un dirigeant qui défend certaines causes. C’est de cette manière que nous entendons souvent des extrémistes Hutu, si chers à Nkurunziza, prétendre que le comportement du régime est une réponse positive à l’expansion de l’empire imaginaire « Hima » (groupe ethnolinguistique descendant du groupement nilotique, un peuple éleveur venu de la région du Nord, vivant dans l’est de la République démocratique du Congo, en Ouganda , au Rwanda et au Burundi, NDLR) analyse-t-il.
Pourtant le régime de Nkurunziza n’a rien à gagner, selon Vital Nshimirimana. Il est composé de gens fortement désespérés, qui se soucient peu des conséquences fâcheuses qui pourront résulter de leur attitude. C’est généralement des gens qui n’ont jamais eu le sens de l’Etat, de la nation, de l’intérêt général. « Seulement, ce que fait le régime burundais, confirme les allégations longtemps avancées par les organisations des droits de l’Homme, qui fustigent les exactions de ce régime capable de provoquer la crise régionale teintée d’une récidive génocidaire au Burundi » explique-t-il.
Ce rapport des experts des Nations Unies, envoyé au président du conseil de sécurité de l’ONU le 18 décembre dernier, souligne que les hommes de Kayumba Nyamwasa n’ont pas encore attaqué le Rwanda: « Ces ex-combattants (qui se sont confiés aux experts de l’ONU, NDLR) ont précisé qu’ils n’ont jamais attaqué le Rwanda, mais qu’ils s’étaient battus avec des groupes armés burundais actifs dans les territoires de Fizi et d’Uvira en RD Congo, à savoir le FNL d’Aloys Nzabampema et le Red-Tabara ainsi que les Maï- Maï » peut-on lire.